Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pierce Nitegun - Chat perché (1/2)

par Romaric AUBERTIN

publié dans Romaric AUBERTIN , Nouvelle , Steampunk

Pierce Nitegun - Chat perché (1/2)

Mynogan, une grande ville fondée à partir d’une main d’œuvre bon marché provenant de tous les coins de la planète qui fuyait leur pays respectif afin de gagner une terre d’accueil propre et espère à ce qu’on en racontait… Quelle folie que de croire à telles sornettes, il n’en fallut pas plus pour que la municipalité se transforme en un véritable champignon véreux. Au centre-ville, les beaux quartiers et tours d’habitations ou de bureaux, à l’extérieur, les quartiers modestes, ouvriers et pauvres, mélangés avec les bidonvilles remplis de parias et de personnes sans le sou qui ne subsistent que par l’intermédiaire de larcins ou d’activités de contrebande. Ce qui devait se développer comme une mégapole prospère est devenue un infâme bourbier conçut sur des terres marécageuses où s’étale misère, désastres, violence et épidémies. On ne compte plus le nombre de lépreux ou tuberculeux jonchant les rues, ni même les cadavres de mères à peine décédées réchauffant encore leur nourrisson qui ne cesse de brailler, la faim leur tordant le ventre.
De mon local, situé au dernier étage de la tour Kabmuci, je suis à même de scruter jusque dans les moindres détails la toile d’araignée formée par les chaotiques rues créées à la pelle de la manière la plus anarchique qu’il soit. Les règles de la ville sont rarement respectées, on en vient même à se demander à quoi sert la charte municipale ? Sans doute à servir de décoration et de bouquin de science-fiction, bien utopique celui qui pense qu’il y a encore une justice dans cette ville, puisque la seule prison du secteur est pleine à craquer d’individus récalcitrants où régulièrement des invasions ont lieu, bien souvent encouragées par les gardiens qui souhaitent faire de la place à des nouveaux dont la mort est parfois programmée au cours d’une rixe au sein du complexe pénitencier ( les détenus léchant le plus le cul des gardes sont d’ailleurs les prochains sur la liste de ceux qui recouvrent la liberté, quel qu’en soit le procédé ).

Je tire une cigarette de mon paquet de tabac et l’allume tout en rabattant mes goggles sur les yeux, la fumée m’irritant les globes oculaires lorsque j’ouvre la fenêtre pour que s’échappe les volutes issues de la combustion du tabac. Les bras croisés, je contemple à mon aise le spectacle donné par une femme prenant sa douche dans le logement situé juste en face. Elle réside au dernier étage de cette tour jumelle, elle est donc pile à hauteur de ma vue, laissant ainsi la possibilité à mon esprit de divaguer en parcourant ses lignes sublimes. Mon petit plaisir quotidien dont je ne me lasse jamais, il est vrai que je pourrai opter pour faire le premier pas, mais ai-je le temps avec cette quantité de travail qui s’entasse dans mon bureau ? En vérité, oui, je serai mythomane de persister d’abonder en faveur de ce mensonge, mon agence s’apparentant à de « l’enquête » et des « règlements de compte » n’a qu’un trimestre d’existence, et déjà seuls cinq clients sont passés pour des affaires qu’ils ne m’ont guère confié. Je suis las d’astiquer et maintenir en état mon matériel comme si j’allais vivre la situation la plus périlleuse de toute ma carrière, cela ruine le moral.
Voilà que ma strip-teaseuse improvisée a terminé son entretien corporel, et moi, je me brule les lèvres en étant arrivé à la fin de ma cigarette : j’aurai dû l’éteindre avant ! Partant à l’évier m’appliquer de l’eau froide, je suis brusquement interrompu dans mon action par quelqu’un toquant à la porte de mon cabinet. Surmontant la douleur, je m’empresse de jauger la carrure de mon futur interlocuteur par l’intermédiaire du judas, mais je ne vois personne. Pensant à une mauvaise blague, je m’éloigne de la porte, dépité, lorsqu’on tape à nouveau à cette dernière. Désirant prendre le petit malin les mains dans le sac, je déverrouille rapidement la porte et ne constate pas non plus de présence humaine, jusqu’à ce que j’entende un « Hum, hum ! » qui me fit baisser le regard.

-Monsieur Pierce Nitegun ? Me questionne une petite fille âgée d’une dizaine d’année, comme si ce n’était pas écrit assez gros sur la plaque extérieure !
-Oui, c’est moi, que veux-tu ma petite ?
-Mon chat Ptilion a disparu, vous pouvez m’aider à le retrouver ?
Comme si je n’avais que ça à faire de m’occuper de toutes les misères des quartiers aisés, désappointé par ce qui s’apparente à une bonne œuvre, je refuse catégoriquement.

-Désolé ma petite, mais ceci est un cabinet d’enquêtes sérieuses, nous ne nous occupons pas des histoires de chiens ou chats écrasés. Joignant le geste à la parole, je referme la porte lorsque la fillette en question place son pied gauche entre le chambranle et la porte, empêchant la fermeture de cette dernière.
-S’il vous plaît, j’ai de quoi payer. Insiste-elle, la voix tremblante. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, et afin de me débarrasser de cette gêneuse de première catégorie, je me plante face à elle.
-Bon, bon, c’est d’accord. Mais je te préviens, je ne t’accorde que trois heures maximum pour qu’on retrouve ton animal, passé ce délai tu ne me devras rien mais tu cesseras de m’importuner, promis ? C’est un deal, à prendre ou à laisser ! Ayant ravivé une flamme d’espoir dans le cœur de l’enfant, elle saute de joie et se trémousse en chantonnant.
-Merci, merci beaucoup monsieur Pierce Nitegun ! Alors, vous venez ? Elle est déjà à la porte de l’ascenseur hydraulique, je l’informe qu’il me faut revêtir mon équipement et m’empare d’un veston pare-balle en cuir et métal, d’un pistolet à projectile électromagnétiques ainsi que d’une lampe à énergie libre. Fin prêt pour cette mission de routine, je m’approche de la jeune fille et lui sourit, persuadé qu’on va retrouver son bon gros matou non loin de chez elle, à la recherche qu’une quelconque minette, ou la tête enfournée dans une succulente gamelle.



"Ce texte a été déposé et est protégé en vertu de l'article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle, loi du 1er juillet 1992."

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article