Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Tripot et corruption

par Romaric AUBERTIN

publié dans romaric aubertin , Nouvelle

Tripot et corruption

Où trouve-t-on un établissement de jeux privatisé, fermé, ouvert seulement à des initiés, totalement détaxé parce qu’inconnu au grand jour ? Dans une rue sombre d’un quartier malfamé, une de ces rues où les immeubles alentours sont vétustes, désaffectés, ces rues où vous pouvez vous faire détrousser en un clin d’œil, ces rues où il peut tout se passer sans que la ville en soit alertée, ce genre d’endroit que n’aiment les policiers. Pourquoi s’y risquer ? Pour jouer, et jouer gros, mais généralement le genre de client qui s’y rend joue du lourd et sait comment protéger son pactole. Qu’est-ce qu’on y joue ? De l’argent, de l’argent sale le plus souvent, du liquide qu’on peut échanger, miser, perdre ou gagner. Ceux qui fréquentent ces établissements, souvent cachés au fin fond d’une cave, dans la pénombre, où vous entrevoyez le visage de vos adversaires, seulement éclairés par de petites ampoules pendant à un fil, ces installations douteuses où croupissent les rats et où seul les tables de jeu sont potables, car nous ne dirons pas propres étant donné que l’hygiène est souvent à déplorer. Dans une atmosphère étouffante de fumée de cigares se jouent de grosses parties, impliquant de fortes sommes. Ici, on joue avec des chiffres qui se comptent par des dizaines de milliers, par millions, jamais par des centaines, à moins que ce ne soit des centaines de mille.

Pour aussi bien connaître ces endroits, je suis sûr que vous pensez que j’ai dû bien les fréquenter, peut-être que oui, peut-être que non, on n’est jamais sûr de quoi que ce soit dans ce monde, non ? Cela a-t-il une importance quelconque sur la suite de mon récit ? Pas le moins du monde, car je vous fascine et aie déjà retenu votre attention. Poursuivons.

C’était un soir comme les autres, un soir où s’entassaient des dizaines de mafieux qui souhaitaient mettre en jeu leurs gains de la semaine, la routine en quelque sorte. Mais ce soir-là, lors de la partie de Poker, la tension était palpable. En effet, la table avait été réservée par de gros bonnets qui s’affrontaient yeux dans les yeux, cartes en main, des mains grasses qui allaient de leur sandwich au verre de Whisky en passant par les courbes et recoins succulents des putes qui remplissaient la pièce à leur pantalon dont la braguette ouverte leur permettait de se tâter. Cette scène donnait envie de vomir à n’importe qui qui n’acceptait pas leurs mœurs, mais combien avait le courage de le montrer ? Personne, les murs furent épargnés, ceux qui n’approuvaient pas cela aussi. Après une heure de jeu, à boire de l’alcool fort et à s’amuser dans les froufrous des escort girls, vint le temps de l’addition est c’est à ce moment précis que tout tourna au drame. Entra des hommes baraqués, trentenaires, rasés de près, en complet veston noir, chapeau de la même couleur sur la tête. Leur dirigeant, qui se confondait au milieu de ses troupes, s’approcha du détenteur du tripot après avoir fait cerner les joueurs.

-Comme on se retrouve, mon bon Charlie, je vois que ton affaire est une sacrée réussite, toutes mes félicitations. Mais comme on dit, le bonheur ne dure qu’un instant… Maintenant que tu en as bien profité, révèle-moi vite ce que je veux savoir, et je pourrai peut-être être clément ? Voilà ce qu’il lui dit, tenant son adversaire à sa merci contre le mur, une main sous la gorge. L’autre se débattit un peu et demanda.
-Très bien, grâce, pitié, je vous en supplie ! Je vous dirai tout ce que vous vous voudrez savoir. Supplia le patron de l’établissement.
-Tes connaissances sont limitées, mon beau lèche-cul, mais ô combien cruciales. Voyons si je peux te rafraîchir la mémoire avec ceci. Sortant une médaille en or de la Sainte Vierge de sa poche, il la plaça devant les yeux de son interlocuteur. Tu te souviens de ça, enfoiré ?! Dis-moi que oui, tu sais qui a fait ça !
-Je ne me rappelle pas, je vous l’jure ! Pitié, pitié ! Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, tout est vide en moi !...
Gémit l’interrogé.
-Cette médaille, enculé de traître, appartenait à ma femme qui a été flinguée parce que tu as été incapable de la protéger ! Tu sais ce que tu as fait, pauvre salopard : tu l’as laissée crever car ils se sont vengés sur elle, pensant m’atteindre, me démolir ! Ils ont crû m’anéantir, me conduire au suicide car j’avais pillé tout leur fric, leur putain de fric qu’ils avaient joué ce soir-là !

A ces mots, les gangsters tentèrent d’approcher la main de leur pistolet, mais les hommes du braqueur les en dissuadèrent.

-Je suis désolé, désolé, c’est peut-être grâce à ça que j’ai eu tout ce que je possède actuellement…
-Oui, mais il ne te reste qu’une façon d’implorer mon pardon : dicte-moi la combinaison du coffre-fort dans lequel est stocké tout l’argent, on a de quoi s’arranger, n’est-ce pas ?
-Est-ce que j’aurai ta clémence ?
-T’ai-je une fois menti ? Jamais, tu as ma parole. Cracha-t-il par terre pour affirmer ses propos.
-Deux, zéro, onze.
-Tu vois que la mémoire te reviens, ce n’était pas si compliqué, non ? L’année de ta sale besogne, ordure !


Pointant son arme sur son ancien membre, l’autre s’insurge.

-Tu m’avais juré que tu ferais preuve de clémence envers-moi !
-Je n’ai pas précisé sur quoi, et c’était sur la manière de te tuer vois-tu ? Va au Diable, Charlie ! C’est pour elle que je le fais. 


Un coup de feu retentit, craignant pour leur deniers les boss tirèrent à tout va dans la salle. Profitant de la confusion, certains sortirent sans demander leurs restes, protégeant leur vie à tout prix. Des filles de joie furent grièvement blessées ou abattues durant les échanges de feu, ça canardait de partout, je m’étais d’ailleurs planqué derrière le comptoir afin de ne pas être victime d’une balle manquée. Les braqueurs battirent en retraite, leur chef sembla se diriger là où était contenu l’argent, moi je sombrais dans le néant.

Les premières lueurs de l’aube pointèrent, mais je ne les vis pas. On était trop profondément enfoncés dans le sol pour les apercevoir, ce sont des policiers en faction qui m’ont secourus et interrogés au poste. J’en fus quitte pour quarante-huit heures de garde à vue et quelques contusions, j’appris dans les journaux que j’avais assisté à un terrible braquage qui avait mal tourné dans un casino secret ouvert en toute illégalité, je me dis que je l’ai échappé, mais je ne parviens toujours pas à savoir ce que je foutais là-bas pendant ces deux années. Etais-je moi aussi amnésique ? La corruption, en plus de détruire l’homme, brise-t-elle aussi nos souvenirs ? Cassandra, pourquoi n’es-tu plus là pour répondre à mes questions existentielles ?




"Ce texte a été déposé et est protégé en vertu de l'article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle, loi du 1er juillet 1992."

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article