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La tête dans les étoiles

par Romaric AUBERTIN

publié dans romaric aubertin , nouvelle

La tête dans les étoiles

Découvrez aujourd'hui une atypique nouvelle SF dramatique et romantique. Bonne lecture !

 

La tête dans les étoiles

Je ne sais si vous aimez être pressé, mais moi non. Je déteste avoir la pression, ça rend nerveux, ça nous fout les jetons ! Quand nous travaillons, nous, nous sommes privilégiés car nous avons peu d’occasion de nous faire du mouron. En effet, nous sommes les rares salariés à ne jamais être chronométré, nous avons tout notre temps pour effectuer le travail demandé, et nous sommes même trop rapides pour le traiter ! La plupart du temps, nous sommes bien au-delà des délais espérés, ce qui nous laisser le temps de flâner à loisir et de pouvoir mener une petite vie de rêve. Certes, c’est la petite richesse, c’est le luxe sans être le grand luxe, mais nous n’avons guère à nous fouler, alors que pouvions-nous espérer de plus ? Pardon, je parle trop et m’éloigne du sujet. Aujourd’hui, exceptionnellement, je suis sorti beaucoup plus tard que d’habitude, une réunion inattendue s’est déroulée, et pour cause, elle fût improvisée !... Il faut vraiment être tordu pour avoir pareille idée en fin de semaine, je pense que le surmenage de certains leur fait carrément perdre la tête, ils n’ont plus notion de quoi que ce soit et s’attaquent à ce qui est sacré, non mais ! Sans gênes ces gens-là ! Et je n’ai pas peur de parler ainsi de mon supérieur, je dis haut et fort que ce vieux con ferait mieux de prendre sa retraite s’il est incapable de gérer le stress de son métier, après tout, chacun sa fonction, non ? La nôtre est d’être plutôt libre, alors qu’avait-il à tous nous réunir, ce vieil hibou ? Figurez-vous qu’il a choisi ce jour, le jour de la Saint Valentin, pour faire foirer nos rendez-vous ! Pourquoi ? Car ça l’amuse, c’est son petit jeu pervers, sa vengeance envers les plus jeunes générations qui mènent la belle vie sans suer. Ce vieux schnoque nous jalouse, et pour cause : il a fait la connerie de prendre un échelon supérieur, ainsi, il gagne plus. En contrepartie, il doit donc bosser comme un acharné et ne peut profiter de son argent comme il le désirerait. Cela le rend dingue, alors, voyant que nous, nous avons fait les bons choix, il nous en fait baver à l’occasion rien que pour nous emmerder. Cependant, contrairement à mes collègues, moi, j’avais fixé une heure plus tardive, alors, avec un peu de chance, j’y serai à ce rencard ! Enfin, plutôt, il faudra que j’y sois ! C’est crucial, je connais Katia que depuis quelques semaines, et si je lui pose un lapin en ce jour si important, elle serait bien capable de me laisser tomber jusqu’à la fin des temps… Katia est comme ça, c’est une femme énergique, dynamique, franche, et qui sait ce qu’elle désire... Un bon petit caractère, mais c’est comme ça qu’on les aime, non ? Et me voilà perdu dans les embouteillages, ce n’est pas possible ça ! Les spatioroutes sont bondées à cette heure-là ? C’est quoi le problème ? Ah, ben tiens, je comprends mieux ! Voilà qu’un abruti a trouvé malin de causer un accident, bloquant trois voies sur six, je vous dis pas le merdier que c’est. De rage, je me mets à klaxonner, cherchant à passer en passant par la voie d’arrêt d’urgence, et voilà que des ambulances arrivent, que je les gêne, qu’ils appellent les flics, qu’on me fait dégager le passage et qu’on m’arrête.

« Dites, ça vous prend souvent ? Votre permis s’il vous plaît.
-Tenez. Vous n’allez pas me retirer des points quand même ?!
-Ah votre avis, ai-je une tête d’ours en peluche ? Je ne suis pas un gentil lapinou, je suis un représentant de la Loi, moi, et je fais respecter ce qui est respectable.
-Et vous pensez qu’il y a encore quelque chose de respectable dans ce monde ? Permettez, savez-vous qui je suis ?
-Oui, un impertinent gamin puant le pognon qui veut se recevoir un procès
-verbal pour outrage à un représentant de l’ordre public.
-Vous jouez à l’intellectuel, mais en êtes-vous digne ?
-Ma dignité me permet de porter cet insigne, et ça me suffit amplement. Je représente quelque chose de concret au moins.
-Tout aussi concret que les lois que vous faites respecter et qui ne servent qu’à brider notre liberté. Qui êtes-vous vraiment ? Personne ne le sait, à part nous cependant. Je vais vous dire une bonne chose, moi au moins, aujourd’hui, quelqu’un m’attend. Ce quelqu’un, il ne vit pas pour des choses définies par l’homme, il vit pour l’amour.
-Assez ! Sortez du véhicule, lentement, les mains en évidence ! Au moindre geste brusque je vous loge une balle dans la jambe, est-ce bien compris ? Bien, à présent, mains sur le capot. Je vous passe les menottes et on passe à un petit interrogatoire, on verra si vous êtes aussi bavard que vous semblez l’être. »


Me voilà bien embarqué ! J’aurai dû me calmer, mais j’aime tenir têtes aux imbéciles et les vexer jusqu’au trognon, c’est dans ma nature, comment puis-je en être responsable ? Là, c’était clair, mon rendez-vous allait tomber à l’eau, il ne restait plus qu’à espérer qu’elle soit patiente… Oh, bien entendu, j’ai de quoi la contacter, cependant, ça va être un peu délicat étant donné que mon Spartphone est resté dans ma voiture et que l’agent refuse de me laisser y toucher. On me questionne, on me titille, on m’envoie deux ou trois coups dans la face pour me rappeler ce qu’est le respect, puis, on me relâche après avoir annulé mes procès-verbaux. Puisqu’on s’était bien défoulés sur moi et qu’on avait gâché deux bonnes heures de ma piètre existence, cela était une juste compensation. Avant de me quitter, le policier me lança.

« Vous êtes attendu, mais les sentiments que la personne éprouve à votre propos sont autres que ceux que vous imaginez. Elle aime quelque chose, oui, et je vais vous le révéler : elle aime l’argent ! »

Je n’ose rétorquer. Je me dis que je m’en étais vraiment pas bien tiré, mon sentiment de toute-puissance avait diminué, à dire vrai, c’était la première fois qu’on me remettait à ma place. La spatioroute étant dégagée, je démarre en trombe espérant rattraper le temps perdu, zigzague à travers le trafic, et rejoint une heure plus tard le lieu de rendez-vous. J’avais envoyé un texto à ma Valentine, mais cette dernière ne m’avait pas répondu. Elle n’avait d’ailleurs pas passé de coup de fil, drôle de réaction. En même temps, il faut dire qu’elle n’aime guère être prise pour une conne ! Je parque mon véhicule le long du trottoir, sors de ma voiture, la cherche, crie son nom… Seul le silence de la nuit me répond. Désespéré, je remonte dans ma voiture et jette un coup d’œil au cadeau que je souhaitais lui offrir. Je voulais lui faire la surprise de se fiancer. Comprenant que ce ne serait plus d’actualité, je saisis le paquet cadeau, ouvre ma portière afin d’aller y jeter dans la rivière qui passait non loin d’ici, mais au pied de ma voiture, un papier attire mon attention. Je le saisis et le lis.

Pauvre poufiasse ! Ton enculé de friqué ne s’est pas présenté ! On n’aime pas les coups foireux, ta sœur finira sur un pieu ! A moins que tu ne préfères prendre sa place, ce qui prouverait à ses yeux que tu n’es pas une pétasse... C’est toi, ou elle.

Visiblement, ce mot n’avait pas été lu. Je comprends de suite que Katia ne mérite ni cette bague, ni mon amour. Je me résous à ne pas jeter le cadeau, remonte dans ma voiture, et roule dans une direction inconnue. Je ne sais où je vais, je vois les kilomètres s’additionner, le paysage défiler, et me retrouve dans une rue pas très fréquentée. Apercevant une jolie femme, je m’arrête à sa hauteur.

« Alors beau gosse, on fait quoi ici ?
-Je vous retourne volontiers la question.
-Moi ? Je fais tout ce que tu veux en échange de billets.
-Et t’en as pas marre ?
-C’est la seule chose que je sache faire, je travaille pour moi. Regarde mon beau corps, il te plaît ?
-Allez, montez !
-Tu n’as pas dit combien tu me donnerais.
-Beaucoup plus que ce que tu ne peux espérer.
-Ah ouais ? Dis une somme !
-Tu vois ça ?
-Putain ! Mais il en a de l’argent le monsieur ! Je suis à toi pour toute la soirée !
-Alors grimpe.
-On ne va pas trop loin j’espère ?
-Ça reste à voir. »


Je lui demande à gagner la plage. Elle m’indique la route. Une fois à destination, nous nous arrêtons tranquillement nous loin du rivage. Nous sortons, enlevons nos chaussures et marchons dans le sable.

« Ça, c’est la liberté, ça, c’est le pouvoir de l’argent, et ça, c’est ce qui doit le plus compter !
-Qui ? Moi ?
-Le couple.
-Ben ça alors, tu parles d’un couple mon mignon ? Mais je ne suis qu’une prostituée, je fais ça pour l’argent, rien de plus !
-Cette nuit, fais ton métier. Demain, on devra aviser ! »


On passe une nuit à faire l’amour sur la plage en buvant du champagne et nous amusant comme nous l’avions rarement fait. Le lendemain, étant réveillé par l’aube, je la réveille à son tour et lui dis.

« Contemple ce lever de Terre, n’est-ce pas magnifique ?
-Et dire qu’il y a quelques années, la Lune était inhabitée…
-Rien n’est impossible à l’homme, pas vrai ?
-Et pour nous, qu’est-il possible ?
-Tiens… Ouvre-le.
-Oh !!! Je n’en ai jamais vu d’aussi belle !
-Elle est à toi si tu acceptes de m’épouser. En échange de ton amour, tu seras la princesse tous les jours, est-ce un bon deal ? »


Elle me serre dans ses bras et m’embrasse. Par moments, les actes valent mieux que les paroles. En la sortant de sa condition misérable, j’aurai une femme fidèle et aimante qui, je l’espère, ne me trahira jamais. D
ans mon métier, il faut d’être calculateur, toutefois, on n’est pas exempt d’erreurs…

"Ce texte a été déposé et est protégé en vertu de l'article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle, loi du 1er juillet 1992."

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